Un citoyen, une voix.
Une voix, c’est une voix.
Une voix, c’est une voix.
Une voix, c’est une voix.
On donne sa voix, mais quand on écoute sa propre voix, on ne la reconnait pas.
On est désolé pour les autres, on pensait avoir une voix harmonieuse.
Rien ne laissait présager une telle voix.
On est déçu : on voudrait changer de voix.
On se demande comment ils font, les autres, pour supporter notre voix.
Alors on s’abstient.
On se tait.
Tous les mots restent en dedans.
Il faut bien les garder pour soi, puisqu’en dehors, ils grincent si misérablement.
Une voix misérable reste une voix.
Mises bout à bout, toutes les voix misérables du monde pourraient créer un sacré raffut.
On graverait sur ces voix les mots de Victor Hugo : « je suis un homme qui ne mange pas tous les jours » ! Il faudrait enchaîner ces voix les unes aux autres et les jeter à la face du monde des puissants.
Ils resteraient sans voix.
Mais les puissants n’ont pas besoin de voix parce qu’ils ont l’argent.
Et l’argent n’a pas besoin de voix parce qu’il a des porte-parole.
Encouragé par les puissances de l’argent, le porte-parole n’aura jamais d’extinction de voix.
Et la misère du monde est inaudible. Il faut tendre l’oreille pour entendre sa voix.
C’est une voix vitreuse.
Elle n’est pas belle.
Ni dedans, ni dehors.
La voix des vagabonds ni dedans, ni dehors…
Sauf, un jour, c’est la voix du poète.
Si je pouvais, je donnerai ma voix pour Victor Hugo, celui des misérables.
Quand il écrit : « je suis un homme qui ne mange pas tous les jours ».
Si je pouvais, je donnerai ma voix pour Jean Genet quand il supplie « sur mon cou sans armure et sans haine, mon cou… »
Si je pouvais, je donnerai ma voix pour René Char quand il dit : « Si tu cries, le monde se tait: il s'éloigne avec ton propre monde. »
Un citoyen, une voix.
Un salarié, une voix.
René Char, une voix : « Obéissez à vos porcs qui existent. Je ne plaisante pas avec les porcs. Je me révolte et me soumets à mes dieux qui n'existent pas. »