dimanche 16 janvier 2011

Rhaps

Ce texte n’a pas de titre. C’est une rhapsodie. Une Rhapsodie du désir.
Avec un vrai morceau d’Arthur Rimbaud.

Dans le métro, le gars assis en face de moi, je le regarde.
Il parle à sa femme. Il parle à la femme assise à côté de lui dans le métro, je le regarde.
Sa femme, la femme assise sur lui dans le métro, assise, dans lui, je le regarde.
Le gars dit, « si c’est pour manger du poulet, c’est pas la peine d’aller au restaurant. »
Sonnée, la femme ouvre une bouche à gober d’un seul coup trois œufs durs.
Mais moi (soupir)
Moi en face, je le regarde.
Le gars écrasé sous la femme , le gars en face de moi dans le métro, je le mange.
Je le savoure. Je le pourlèche. Je le salive.

(soupir)

Alors en grand sursaut d’amour ma bouche lui jette : oui! je t’ai compris, nous sommes fait pour frire ensemble, allumer le gaz sous la marmite de nos démangeaisons gastronomiques !
Bazarde cette épouse qui s’indigère à te haïr ! Regarde moi ! touche mes mains : tu les aimes déjà… nos regards se marinent, on mouillera de sueur nos corps, ensemble nous cuirons nos laitances de carpe et nos foies de morue. Je tirerai au tonneau le jus de tes raisins, tu lècheras mon vin de bourgogne, on mêlera nos sucs, oui, prends ma main qui se tend, laisse toi m’aimer, je me chargerai de ton bonheur…

On ne peut pas faire mouche à tous les coups.

Il m’a dit… je suis psychiatre, je reçois tous les mardis sur rendez-vous, tenez, voici ma carte.
Et,
Avec l’air de celui qui ne va pas au restaurant pour manger du poulet il m’a dit : Venez à jeun.

A jeun. A jeun ? Ça m’a déclenché une colère dans la poitrine. J’ai dégainé et je lui ai collé un pruneau entre les deux yeux.

Un dégueuli de viande molle suinte sur la molesquine. Je saute sur le quai et cours droit devant moi.

Navrée, navrante, hors d’haleine et noircie de désir je me trouve au pied d’une façade en pierre de cathédrale.
Désossée, hors d’haleine c’est en cherchant à gober l’air du ciel que je l’ai vu, ouvrant large ses bras il m’accueillait enfin. Je le vois : chaque partie de son corps dit oui. Tu peux entrer, oui, chaque parcelle de son corps m’invite à pousser la porte. Je pénètre en lui.

Dedans il fait un noir de funérailles.

J’avance, je m’enfonce, je laisse entrer le noir en dedans, le froid dans les trous de mes oreilles, de mes narines, de mon ventre hors d’haleine.
Sous la nef glacée il est là, tout au fond, noir lui aussi dans sa robe avachie de corbeau, beau, beau, beau, une femme à ses côtés, laisse de ferveur tomber ses dents qui font un bruit de perle mat en roulant sur le marbre de l’église.
Oh ! la vieille, vieille, désolante punaise de sacristie.

J’avance, je m’enfonce. Comme il ouvre ses ailes je m’enhardis.
Il dit à la femme : « le pape lui-même en personne a reconnu l’intérêt du préservatif ! ».


Ces mots dans la femme, ça lui reste en travers de la gorge et, comme l’arrête du poisson sec ça la déchire, elle… gargouille une prière apostolique.

Mais moi, je sais moi je l’ai compris !
Je t’ai compris !
Mon crédule !
Mon malicieux !
N’est-ce pas ici que nous allons trucider ces caniches qui montent la garde au pied de ton autel ?
Nous nous aimerons de massacre, regarde le souffle sacré affoler mes cheveux d’ange !
Laisse-les monter de tes viscères ces chaos lumineux !
Regarde-moi ! Je suis ta sœur, je peux te sauver !
Viens, suis-moi : je saurai parfumer le puits de nos jouvences, mon beau, mon beau corbeau à la queue de serpent, laisse moi t’aimer !

On ne peut
pas
faire
la mouche
à tous les coups.

La bonne du curé m’a mordu à la cuisse.
Toutes givrées ces vieilles catholes, ces bonnes du cul, ces culs de bénitier. Elle m’a dit, avec l’air de celle qui n’a jamais léché un préservatif : « la confesse, c’est le dimanche à 14h, pas besoin de prendre rendez-vous ».
Confesse.
Confesse.
Confesse.
Ça m’a mis une tension de mille voltes dans le muscle cardiaque. Ni une ni deux, j’ai attrapé le cierge pascal et je lui ai crevé les yeux. Les deux.
Et lui, avant de m’enfuir, je l’embrasse,
Son corps si beau
Son corps si beau
Son corps.
Si beau.

« Comme je descendais des fleuves impassibles
Je ne me sentis plus guidée par les haleurs
Des peaux rouges criards les avaient pris pour cible
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleur »

Et puis je ne sais pas j’ai continué ma route, j’ai suivi le flot des gens qui marchaient là en se tenant par les yeux, je ne peux pas vous dire madame la commissaire c’est mon enfance qui me tire par les cheveux
- Vous êtes belle
On a tous des voix, vous aussi certainement vous les entendez ces fripons dans la nuit n’est-ce pas leurs soupirs dérobés aux murs de la maison ce sont parfois des mélodies amères, lancinantes et profondes mes nerfs s’y agrippent comme le lierre aux ruines des châteaux …

- Vous êtes belle

n’est-ce pas
dans la nuit parfois des ombres se coulent au pied de votre lit vous soulevez vos draps et laissez glisser entre vos cuisses la caresse des ténèbres …

c’est bon de sentir enfin à portée d’âme les doigts de l’étrangleur qui nous délivrera du mal vous aussi, madame la commissaire, vous êtes belle quand vous me dites, avec l’air de celle qui porte l’uniforme, « autant garder sa peine pour repeindre en rouge le mur de sa cellule. »

En rouge à vos joues le mur de sang afflue, madame la commissaire, vous êtes bonne.
Je vous aime déjà.

Le périscope - Cabaret poétique #3
Dimanche 5 décembre 2010

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